Article publié dans le France Suiseki n°16 en 2000


Suiseki - Visite de Willi Benz

par Dorothy Franz

La conférence donnée par Willi Benz d'Allemagne était une occasion spéciale pour les membres de la Cape Suiseki Society. M. et Mme. Benz, qui étaient venus faire une visite privée au Cap en mars 2000, consacrèrent un peu de leur temps pour rencontrer des membres de notre association et d'autres, comme Mary et Brian Turner (Komberley) et Len Redfern (Oyama). Willi et Gudrun constituent les forces vives derrière l'Association Allemande de Suiseki et l’European Suiseki Association (ESA). Ensemble, ils éditent les revues de ces deux groupes. M. Benz est à ce jour le seul représentant occidental qui ait été admis à faire partie du collège de juges de l’International Stones Collection Association en Asie. Il a voyagé à travers l'Orient, couvrant presque 90% de la Chine, la moitié du Japon et de la Corée du Sud ; à travers ces voyages, il a eu l'occasion d'absorber et d'apprendre les valeurs orientales. Il estime que, pour réellement apprécier le Suiseki, le Bonsaï ou d'autres arts orientaux, on doit essayer d'apprendre le plus possible de la culture, de la tradition et du symbolisme orientaux. L'appréciation des Suiseki ne vient pas naturellement aux Occidentaux. Les peuples orientaux ont grandi avec des pierres jouant un rôle significatif dans leur culture et leurs traditions. Puisque les pierres font partie de la nature comme les êtres humains, elles ont aussi une énergie. On reconnaît la valeurs des pierres depuis les temps les plus anciens. Elles étaient utilisées comme outils, pour peser le blé etc.... Willi Benz nous montra une diapositive avec des pierres peintes ou gravées par des Indiens d'Amérique. Elles sont utilisées comme talismans de bonne chance avec différents animaux, un serpent symbolisant par exemple la ruse pendant la chasse.

Un Suiseki fait appel à cinq caractéristiques, toutes d'égale importance :

  1. La forme. Elle peut être animale, humaine ou abstraite. C'est un point très important. La forme contribue de façon essentielle au pouvoir suggestif de la pierre et est aisément reconnaissable par la plupart des gens.
  2. La dureté et la qualité. Ceci a été illustré par une diapositive de cinq pierres. Des pierres avaient été collectées dans la même région d'Italie et étaient de même matériau, mais leur dureté variait de « très dure » à « friable ».
  3. La couleur. La couleur préférée des Asiatiques est le noir. Plus la couleur est claire, moins elle devient importante. Différentes couleurs et textures peuvent être trouvées sur une même pierre, en fonction de la présence de différents minéraux.
  4. L'âge et la patine. Des pierres connues pour avoir été transmises de génération en génération ou qui ont appartenu à des personnages réputés sont très recherchées. La patine vient avec l'âge et, de ce fait, est admirée. Elle peut cependant être obtenue par le frottement. Deux exemples ont été montrés. Le premier est constitué par deux pierres récoltées en Namibie. La première avait été mise dans la valise et l'autre avait été mise dans la poche et frottée pendant huit jours. Dans cette période de temps, la pierre était passée de gris terne à noir de jais. Le second exemple est constitué par deux pierres d'Indonésie appartenant à Siggy Franz. De la même façon, l'une d'elles avait été frottée pendant plusieurs mois et l'autre restée en l'état. La pierre frottée était devenue d'un sombre brillant et aucun frottement n'avait atteint les fentes de sorte qu'elles étaient restées plus claires et plus ternes. M. Benz expliqua qu'il n'est pas nécessaire de pénétrer partout. En fait, la pierre a plus de vitalité si la patine n'est pas régulièrement répartie.
  5. La texture en surface. La texture d'une pierre peut être formée par le vent comme c'est le cas dans les déserts ou par l'action abrasive du sable et de l'eau comme sur les pierres de rivière. Plus une pierre est soumise à ces éléments, plus la texture en surface devient fine, de sorte qu’une texture très lisse est obtenue avec le temps.

Il nous montra ces cinq points avec des diapositives. Il indiqua que les pierres non coupées sont plus estimées par les Orientaux. Quelquefois, des pierres semblent avoir été coupées, mais elles ne le sont pas car elles sont formées en couches et peuvent se séparer avec une face plate. Les pierres de Ligurie en sont un bon exemple. Ces pierres sont formées par des couches compactes. La face supérieure de la couche est plate et l'eau qui s'écoule dans les couches forment des sillons de sorte que, lorsque l'on ramasse une pierre et qu'on la tourne, elle devient souvent une belle chaîne montagneuse avec des pics.

Les pierres peuvent être disposées sur des Daïza ou dans des Suiban ou Dóban (plateau en bronze). Le plus grand soin doit être accordé dans l'utilisation de Suiban ou Dóban pour s'assurer que la pierre est placée dans la position correcte. Il indiqua que le centre de gravité de la pierre doit être disposé à 40% de la longueur totale du Suiban. Quand on présente une pierre dans un Suiban ou un Dóban, on doit se souvenir qu’une pierre lourde demande plus d'espace et donc un Suiban de grande taille. Il est important que le mouvement de la pierre aille dans la direction de l'espace le plus grand. Il montra une pierre-montagne descendant doucement vers la droite et expliqua que l'eau tombant sur la montagne s'écoulerait naturellement le long de cette pente : c'est donc le champ d'action et c'est de ce côté-là que l'on a besoin d'espace. De la même façon, dans une forme humaine ou animale, le champ d'action se trouve du côté de la figurine ou de l'animal. En Orient, on présente souvent les pierres en accord avec la saison, de sorte qu'on utiliserait de l'eau dans le Suiban en été de façon à suggérer la fraîcheur et on utiliserait un Dóban ou un Suiban de couleur chaude avec du sable en hiver ou on présenterait la pierre sur un Daïza. Le bois suggère la chaleur. La couleur du Suiban doit s'harmoniser avec celle de la pierre de sorte que la pierre garde toujours le premier plan. La couleur du sable est également importante. Des couleurs appropriées sont par exemple crème, beige ou gris pâle. Il a fait plusieurs essais en utilisant différentes sortes de sable avec des granulométries diverses et est arrivé à la conclusion que la meilleure présentation sur le plan visuel est celle avec une taille de grains à peu près égale à 1% de la longueur de la pierre. La largeur de la pierre ne rentre pas en ligne de compte.

Il y a différents types de Daïza. Ceux qui ont des lignes horizontales viennent du Nord de la Chine. Ceux qui montrent des proéminences et des ornementations viennent du centre de la Chine (région de Suzhou). La Chine du Sud préfère des bases visuellement plus légères, habituellement avec des espaces ajourés. On ne devrait jamais polir ou refaire une vieille base pour la rajeunir, car cela lui ferait perdre son histoire. Mr Benz illustra ensuite différentes manières de présenter les Suiseki. Une pierre a plus d'impact si elle est séparée de son environnement. La façon idéale de présenter les pierres est semblable à celle utilisée pour les Bonsaï. Un Suiseki devrait être placé sur une tablette, une pièce de tissu, une planchette ou une natte. Des plantes ou Kusamono peuvent être présentés en accompagnement. La pierre doit être l'objet principal de la présentation. Mr Benz nous a gentiment laissé une série de diapositives. Siggy et moi avons eu la chance de faire une excursion vers le Northern Cape et la Namibie avec lui et sa femme, durant laquelle nous avons pu discuter et analyser différentes sortes de pierres. Ce fut un grand honneur de les avoir tous deux au Cap, car Mr Benz est l'amateur de Suiseki le plus réputé en Europe.